New York et le Cinéma


Manhattan : image figée ou théâtre d’évolutivité
Mai 11, 2009, 8:27
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ou de la démystification de Manhattan

Solid States : Changing Time for Concrete, à New York

« Du 1er au 3 octobre 2008 et pour la 2ème année consécutive, l’Ecole d’Architecture de Columbia a organisé sa série de conférences sur les matériaux. La conférence « Solid States : Changing Time for Concrete » a mis le béton à l’honneur. En partenariat exclusif avec Lafarge, architectes, ingénieurs et universitaires de renom se sont retrouvés autour du béton et ont évoqué ses évolutions futures et ses potentialités à une époque d’urbanisation effrénée. »                                                                     extrait du site de Lafarge

Le « Pont Mégastructure d’accueil » aux Etats-Unis. Icône de la ville verticale par ses tours, la mégalopole américaine se couche et profile sur son fleuve des ponts qui deviennent habitations, salles municipales, espace public,…

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Largement inspiré du projet de Yona Friedman (on peut aussi penser à Archigram, Instant City et Plug-In City entre autres), cette mégastructure pensée par Marc Mimram part d’un constat simple : la terre et l’air de l’île de Manhattan sont colonisés, mais le fleuve reste encore à exploiter. La solution proposée permettrait de profiter de cette zone encore vierge.

Des ponts habités en résille de béton surplomberaient les fleuves de Manhattan, grâce à de larges poteaux. Puis sur cette résille viendrait se fixer des modules au potentiel tri-dimensionnel où seront inclus toutes sortes de programmes (on se rapproche ici de la signification de la grille de Manhattan, les blocs étant des modules mais verticaux). Les ponts permettraient des points de vue nouveaux sur Manhattan, une mise en scène tout à fait inédite.

Cependant, si ce projet ne regarde que Manhattan sans vraiment la faire évoluer, le nouveau point de vue ne sera qu’un cliché vieilli de plus de l’île aux gratte-ciels. Cette nouvelle approche peut devenir intéressante si les ponts viennent au cœur de la ville, et créent des connexions entre les réseaux qui donnent lieu à de nouveaux centres d’intérêt. Manhattan redeviendrait alors cette ville en constante évolution, toujours à la conquête d’un inatteignable infini.

C’est là le principal problème des images de Mimram, bien qu’encore utopiques, les ponts s’arrêtent là où commence la ville.

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Synecdoche, New York
avril 5, 2009, 11:53
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ou la mise en abîme du bloc

Ce mercredi 1er avril, Synecdoche, New York (Charlie Kaufman, 2008) est sorti dans les cinémas français, éclipsé, il est vrai, par celle de Dragonball Evolution (nous n’en parlerons pas ici). Il relate le mal-être d’un metteur en scène new-yorkais, Caden Cotard, qui, pour remédier à l’échec qu’est sa vie, décide de faire l’œuvre de sa vie, au sens propre, comme au figuré.

Pour ceci, il loue un hangar et y reproduit tout un quartier de New York (y compris le hangar) pour  donner en représentation sa vie. Les personnages présents dans cette immense et continue représentation sont ceux de sa vie. Les acteurs qui les jouent, adoptent en réalité la vie du personnage. Mais cela commence à devenir compliqué lorsque l’on se rend compte que dans le hangar du hangar se déroule la même histoire, et ainsi de suite, puisque dans le hangar du hangar se trouve la réplique du hangar, et que… je vais m’arrêter là : donc une belle mise en abîme.

Mise en abîme du bloc manhattanien

Malheureusement, le scénario est aussi compliqué à suivre pour le spectateur que pour son auteur (puisque, pour ce film, Charlie Kaufman a écrit et réalisé), néanmoins le film reste très intéressant. Le bloc manhattanien est vraiment pris au sens propre, comme une reproduction du monde, de soi-même. Manhattan, bien que limitée géographiquement, devient alors une ville infinie dans l’espace et dans le temps. La grille, les gratte-ciels, tout tourne autour de cette infinité, sorte d’écriture automatique de la ville, comme on a pu l’observer au travers de l’œuvre godardienne. Par cette propriété, Manhattan est la ville de tous les possibles. Elle peut être indépendante. Dans Synecdoche, Caden crée cette grande représentation, qui est en fait une ville à part entière, et y prend part. Ceci est normal, il s’agit de sa vie, mais il endosse aussi un autre rôle que le sien. Le créateur n’est plus là pour diriger sa ville, mais pourtant elle continue de vivre.

Synecdoche, New York, Charlie Kaufman (2008)



Trame de fond pour une ville sans script

où nous comparerons la construction de films de Jean-Luc Godard et celle de New-York.

Comme dans la plupart des films, Godard s’attache à poser une trame de fond pour y développer sa fiction. Là où il se différencie, c’est qu’il n’utilise pas de script dans la plupart de ses films. Il développe les personnages jusqu’à épuisement de l’intrigue, souvent marqué par la mort.

Ceux-ci ont souvent un besoin de fuir la situation présente, comme dans Pierrot le fou ou A bout de souffle, car ils ne peuvent se conformer aux règles (juridiques ou sociales). Le manhattanisme est né de cette même volonté de se séparer des règles de la vieille Europe, mais aussi de nier le contexte de l’île de Manhattan en y apposant une trame immuable qui supprime tout contexte naturel.

Ce côté artificiel, Manhattan ne le nie pas, bien à l’inverse des villes européennes, elle le proclame : une ville est une ville, et le but d’une ville est de concentrer au maximum la population. Godard n’hésite pas, lui non plus, à répéter au spectateur que ce qu’il regarde n’est que du cinéma. En effet, il emploie la mise en abîme du cinéma : dans tous ses films, les personnages vont au cinéma, parlent de cinéma, tournent un film. De plus il laisse percevoir le montage qui a eu lieu, et laisse même ses personnages s’adresser à l’audience.

Lorsque dans Pierrot le fou, la question « qu’est ce que le cinéma ? » est posée, Godard répond par une énumération : « Love, Hate, Action, Violence, Death : in one word, emotion ». Godard utilise souvent ce procédé dans ses films (notamment dans Les Carabiniers), mais ceci prend tout son sens lorsqu’il est utilisé pour décrire ses propres films, la bande-annonce du Mépris en donne l’exemple parfait. Il suffirait d’associer tous ces ingrédients, sans même avoir de recette, juste voir ce qu’il se passe, pour obtenir un film. De la même façon, Manhattan est une « énumération de blocs », abritant différents programmes : Hôtel, Bureau, Logement, Théâtre : en un mot, la ville. Manhattan, à l’image de la culture américaine, est ce grand melting-pot dont émerge quelque chose de tout à fait nouveau, le new de New York.

Images extraites de Pierrot le Fou

Manhattan est donc née d’une espèce d’improvisation, une écriture automatique, qui s’est laissée guider par différents acteurs (économiques souvent). A l’image de l’improvisation des acteurs, et de Godard lui-même, Manhattan serait-elle la manifestation de la ville sans script.